“On est tous débordés par nos émotions avec des actes qui nous échappent mais, dans cette affaire, c’est démesuré” estime Damien Kincher, l’avocat général. Contre un “homme dangereux, dont la culpabilité est établie”, il a requis mardi une longue peine de prison, soit 30 ans de réclusion criminelle. Sanction qui devra être assortie selon lui d’une peine de sûreté de 15 ou 20 ans et d’une injonction de soins pendant cinq ans.
Contenus de la page
Presque égorgé
Le 17 mars 2017, Mohamed Kamel “va essayer de trancher la gorge d’un inconnu” rappelle l’avocat général aux jurés de la cour d’assises de l’Hérault. Cet inconnu est Alain Françon, metteur en scène de théâtre, qui se promenait dans le centre ville de Montpellier. Il a été soudainement agressé par un homme qui a surgi derrière lui : un coup de cutter en pleine gorge.
Pourquoi moi ?
Appelé à la barre, Alain Françon, 78 ans, se demande toujours quel est le sens de ce geste. Il aimerait comprendre pourquoi lui ? Après l’agression, “j’ai repassé le film de ma vie. À qui ai-je pu faire tant de mal ? Est-ce que j’ai humilié, blessé, vexé quelqu’un ?…” Et il confie qu’il a été soulagé, finalement, d’apprendre par les enquêteurs que cela aurait pu arriver à n’importe qui.
“Je ne suis pas un tueur”- Mohamed Kamel
Pressé d’expliquer son geste, Mohamed Kamel se borne à répondre qu’il ne sait pas ce qui lui a pris. Tout juste arrivera-t-il à dire qu’il “s’est senti menacé”. On sait que ce matin-là, l’Algérien de 33 ans, diagnostiqué psychopathe par l’expert psychiatre, venait de se se faire refouler à l’entrée de la préfecture où il comptait récupérer son titre de séjour, parce qu’il n’avait pas pris rendez-vous. Les policiers de garde se souviennent d’un homme très en colère, insultant, menaçant.
Une blessure qui aurait pu être mortelle
Peu de temps après, Mohamed Kamel et Alain Françon se sont trouvés seuls dans la même ruelle. En fait, le metteur en scène se rappelle juste d’avoir été “bousculé” et ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il s’est rendu compte qu’il saignait abondamment. Il a d’abord demandé de l’aide à un passant qui a pris peur et ne s’est pas arrêté. Heureusement, il a ensuite croisé Aymeric Audibert, 17 ans, qui se promenait avec sa petite amie.
“Les anges gardiens” prodiguent les premiers soins
Tout de suite, ils remarquent son pull et son écharpe ensanglantés. Ils appellent les pompiers et font asseoir Alain Françon contre un mur. La blessure est impressionnante : elle va de l’oreille gauche jusqu’à la base du cou. Aymeric garde son sang-froid. “On s’est dit que si on paniquait, il paniquerait aussi et que ce serait compliqué pour lui”.
Cécile Claude, directrice administrative dans un centre médical, sort alors d’une boutique et elle voit un attroupement. Des gens comme en état de sidération mais aussi des badauds qui regardent et, assis par terre, cet homme blessé. Immédiatement, elle pense à comprimer la blessure. “Je le tenais, j’ai senti qu’il s’effondrait, il est devenu blanc, il transpirait énormément et j’ai entendu des râles. J’ai cru que sa dernière heure était arrivée”.
Une chaine de solidarité
Sophie Sultana arrive à son tour, elle a été alertée par Aymeric car elle tenait une pharmacie à quelques rues de là. Elle s’est équipée de pansements compressifs pour ralentir l’hémorragie. Alain Françon est complètement perdu, “comme s’il n’avait pas conscience de ce qui lui arrivait”. Et puis les pompiers sont enfin arrivés.
La cour a tenu saluer solennellement le civisme et la bravoure d’Aymeric, de Cécile et de Sophie, qui ont permis de sauver la vie d’un homme. “Je trouve ça tout à fait normal, j’espère qu’on aurait fait pareil pour moi” réagit Sophie Sultana, “et aujourd’hui je suis très heureuse qu’il aille bien”.
Le procès se termine mercredi avec la plaidoirie de la défense et ensuite les jurés se retireront pour décider dusort de Mohamed Kamel.
.