Un dimanche sur deux, Midi Libre fait découvrir un métier insolite ou fascinant. Pour ouvrir cette série, suivons Emmanuel Dordet dans son rôle essentiel sur le site des 9 Écluses, à Béziers.
Les saisons, ça le connaît. En charge des remontées mécaniques durant l’hiver, Emmanuel Dordet travaille également depuis 5 ans sur le magnifique site des 9 Écluses. “Je cherchais un cadeau pour les 70 ans de mes parents. Puis m’est venu l’idée de louer une pénichette pour traverser le canal du Nivernais en Bourgogne. Et c’est là que j’ai rencontré les éclusiers. Qui ont un rapport aux autres extraordinaire, plein de richesses et de sympathie”, raconte-t-il. Il décide alors de rejoindre cet univers et se retrouve aux 9 Écluses de Fonseranes à Béziers.
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“C’est un monde de lenteur et de contemplation”
De mars à novembre, chaque matin, aux alentours de 8 h 45 et avec les 18 autres saisonniers, il assure la sécurité du lieu. Contrôle du niveau d’eau des biefs (portion entre deux écluses NDLR) qui doit être à 1 m 40 ; ou encore vérification du mécanisme pour s’assurer que rien n’encombre le système d’ouvertures des portes, font partie de sa routine matinale. Puis à 9 heures, le défilé des bateaux commence. Les premiers arrivés attendent pour remonter la pente d’eau. Emmanuel, avec les autres éclusiers postés à chaque passage, va donc ouvrir l’accès, porte après porte, pour que l’eau ait le temps de remplir les biefs et ainsi permettre aux bateaux de traverser sans encombre. Une remontée qui prend environ 45 minutes. “C’est un monde de lenteur et de contemplation”, souligne-t-il. Puis lorsque le dernier bateau est remonté, les éclusiers assurent le rôle inverse jusqu’à 19 h 30 environ. “C’est très répétitif, mais la passion est là”.
1 200 à 1 300 bateaux au mois d’août
Et de la passion il en faut ! Car si les missions sont effectivement répétitives, elles ne laissent pas le droit à l’erreur. Les éclusiers se doivent d’être vigilants pour faire traverser la trentaine de bateau chaque jour. “Et en août, on est plus aux alentours de 1 200 à 1 300 bateaux sur tout le mois, précise le saisonnier. On va donc les conseiller et les placer, pour faire en sorte d’en passer un maximum”, poursuit-il. Que ce soient des voiliers de particuliers ou des péniches touristiques. Car si les 9 Écluses constituent une étape du Canal du Midi, certains viennent spécialement pour franchir cet ouvrage exceptionnel. “Notre rôle est aussi d’offrir une belle image de l’un des plus beaux ouvrages du coin”, précise Emmanuel Dordet.
Sentinelles
En plus des saisonniers, présents pendant huit mois, une dizaine de titulaires travaillent tout au long de l’année. Certains habitent même sur place pour assurer la maintenance du mécanisme ainsi qu’une surveillance. “ Lors des fortes pluies, si au Caroux ça déborde, l’Orb débordera lui aussi. On va donc ouvrir les barrages, ce qui risque de noyer les écluses, et détériorer le mécanisme. Donc l’éclusier est là pour ouvrir les portes “, explique-t-il.
Une vigilance à toute épreuve, qui rend ce métier atypique. “J’ai 56 ans aujourd’hui. Et je suis prêt à changer beaucoup de choses, mais pas ça. Je resterai là jusqu’à ma retraite”, insiste l’éclusier.
Une prouesse architecturale
Après Versailles, le Canal du Midi est le plus grand chantier du règne de Louis XIV. Avec son système d’escaliers permettant aux bateaux de franchir un dénivelé de 13 à 20 mètres, les 9 Écluses fonctionnent aujourd’hui à peu près comme au XVIIe siècle. Une prouesse technique reconnue mondialement. En octobre 1997, les 9 Écluses de Fonseranes ont été classées au titre des Monuments Historiques. En décembre de la même année, c’est le Canal du Midi qui a été classé au Patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO.
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