Pierre Fouyssac (Toulouse) : « J’ai même pensé à arrêter le rugby… »

Samedi, Pierre Fouyssac connaîtra une quatrième titularisation de rang, ce qu’il n’avait jamais vécu depuis son arrivée en 2018. Lui qui a enchaîné les blessures, dont une dernière au tendon d’Achille qui l’avait plongé dans une dépression. Il se livre ici sans détour.

Dépannage à domicile, tous travaux

Si on vous avait dit, il y a cinq mois, qu’après un quart de finale européen victorieux contre le Munster en tant que titulaire, vous alliez défier le Leinster en demie, comment auriez-vous réagi ?

Franchement, je vous aurais dit que ce n’était pas gagné pour moi ! J’ai quand même galéré avec ce tendon d’Achille, cette blessure qui a pris plusieurs mois de retard sur la guérison. Je voyais les copains jouer mais moi, je n’étais pas dedans.

Comment ça ?

Quand tu enchaînes les blessures et les absences, ce n’est vraiment pas simple. Mais je n’ai pas lâché. Puis, à force de travailler… (il s’arrête) Bon, même si j’ai encore galéré, sur le terrain, cette fois, au Stade français.

Vous faites référence, pour votre deuxième match après votre retour, au crochet de Laumape sur lequel vous êtes battu à la dernière minute, qui conduit à l’essai de la victoire pour Paris…

La boulette, elle est pour moi. Et on perd derrière. Après, j’ai bouffé un peu ma m… C’était très compliqué.

Comment expliquer votre retour au premier plan ?

C’est revenu, petit à petit, aux entraînements. Puis je profite des blessures et des absences de certains coéquipiers. C’est le jeu, je suis bien placé pour le savoir.

En aviez-vous discuté avec le staff ?

J’ai eu de grosses discussions avec Ugo (Mola, N.D.L.R.). Au début, ce n’était pas gagné. L’idée, c’était de savoir ce que je voulais faire vraiment, de trouver des opportunités. Pas forcément ailleurs mais j’ai même pensé à arrêter le rugby.

Vraiment ?

Oui, c’est vrai. Sincèrement, j’ai traversé une période très difficile. J’ai toujours la banane sur le visage, on me le dit souvent, mais je peux vous assurer qu’à l’intérieur, ce n’était pas facile à gérer. J’ai bossé sur moi à côté, avec des personnes extérieures.

Sur le plan mental et psychologique ?

Oui, c’est ça. Notamment pour appréhender la douleur que j’avais sur ce tendon. J’ai connu de longs mois de souffrance et de doutes. Là, je vois enfin le bout du bout du tunnel.

En conférence de presse, mi-mars, vous aviez même dit avoir fait une “petite dépression”…

Au départ, quand tu y penses, tu te dis : « Ce n’est pas possible, tout va bien.” Et tu te répètes : « Tout va très bien, tout va très bien. » Mais en fait, non, ce n’est pas le cas. C’est la quatrième année que je suis ici, à Toulouse, et j’ai l’impression de ne rejouer au rugby que maintenant.

Votre aventure toulousaine n’avait pas démarré ?

Exactement, j’en ai loupé un bon wagon.

Cette dépression que vous évoquez, comment se traduit-elle au quotidien pour un sportif de haut niveau ?

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Déjà, tu t’éloignes de plus en plus du groupe. Mes entraînements n’étaient pas programmés en même temps que les autres. J’étais avec Zeba (Traoré, préparateur physique qui s’occupe des blessés) et les créneaux étaient différents. Du coup, tu es beaucoup moins impliqué. Tu as envie d’y être mais par la force des choses, tu es en recul. C’est un engrenage. Tu es dans une mauvaise spirale, tu ne joues pas… Et ça se ressent dans ta vie de tous les jours.

Quel fut le déclic alors ?

Une discussion franche avec Ugo. On a beaucoup parlé et il m’a assuré qu’il croyait toujours en moi. Cela m’a sûrement fait réfléchir et m’a poussé à ne pas lâcher. Je crois que cet échange m’a libéré.

Et vous venez d’enchaîner trois titularisations, en attendant sûrement une quatrième samedi, ce qui ne vous était jamais arrivé à Toulouse…

Oui, c’est la première fois depuis quatre ans ! Et puis ce ne sont pas les moindres des matchs, dans de sacrés stades (rires).

Le Vélodrome, le Stadium et l’Aviva, c’est un programme de rock star pour un retour !

C’est ça ! Cela me prouve surtout que, ce qu’il me faut pour être performant, c’est la confiance des coachs et des coéquipiers. Quand tu joues ici, tu as intérêt à être bon quand tu vois les joueurs autour de toi. Je sais d’ailleurs que je me mettais trop de pression là-dessus à un moment.

Comment ça ?

Quand tu évolues à côté de Toto (Dupont) ou de Rom (Ntamack), tu ne peux pas te permettre d’être à 50 % de tes moyens. J’avais parfois peur de ne pas être au niveau. Mais c’est juste une question de confiance en soi. Ça va mieux.

On ne vous avait pas interviewé…

(Il coupe) Cela fait quatre ans que je n’avais pas fait une interview. Et c’est logique.

On voulait vous dire que votre nom revenait pourtant souvent dans la bouche de vos coéquipiers…

Oui, parce que je suis bien intégré ici. J’aime la vie de groupe et je suis quelqu’un qui est toujours dans l’affect. Sauf que… (Il hésite) Quand ça va sur le terrain, tout est parfait : tu joues aux cartes avec les autres, tu sors avec les potes. Mais quand tu ne joues pas… Ce n’est pas forcément que je ressentais de l’aigreur mais je ne m’en sortais pas, je ne voyais jamais le bout du tunnel. Au fur et à mesure, tu te pointes à l’entraînement sans avoir le même sourire que d’habitude.

Vous ne vous sentiez plus joueur de rugby ?

(Il souffle) Les gens à l’extérieur te le rappellent bien.

En avez-vous souffert ?

Oui, beaucoup. Je ne vais pourtant pas regarder les commentaires et les choses comme ça, mais ça te revient tout le temps. C’est pareil pour Alexi (Balès), c’est de l’acharnement. Physique et mental. Est-ce que les gens ont besoin de faire ça ? D’accord, c’est notre métier et je le comprends. Je le défends même : on a une pression de résultats pour le club. Mais je vous assure que je recevais des messages vraiment très durs.

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Sur vos messageries personnelles ?

Oui, sur Messenger, sur Instagram.

Arriviez-vous à vous couper de ça ?

J’essayais de ne pas les lire. Mais parfois, une notification arrivait, je l’ouvrais machinalement et je tombais sur ça. Il est arrivé aussi que des potes m’envoient ce qu’ils voyaient passer. (Il soupire) Franchement, quand tu n’y es pas habitué, tu n’es pas blindé et c’est dur à vivre.

Comment vous protégiez-vous alors ?

Heureusement, j’ai une famille qui m’aide vraiment. Ma copine aussi. Dès que ça n’allait pas, je retournais chez mes parents à Agen. Mais le problème, quand j’étais blessé, c’est que je m’isolais, que je me coupais même de mes amis proches. Eux le voyaient et ne savaient pas quoi faire. Je ne voulais plus sortir, même pour aller boire un verre. Je ne voulais plus rien faire. Au début, je ne me rendais pas compte de ce qu’il m’arrivait. Et j’ai fini par me dire : « Put… mais c’est pas toi ça. »

Est-ce là que vous avez assumé de traverser la dépression dont vous parliez plus tôt ?

Oui. Je voyais un hypnotiseur et j’étais suivi par d’autres personnes pour comprendre ce qui n’allait pas et mettre des mots dessus. J’ai passé des heures à travailler sur moi.

Pour revenir au positif, avez-vous senti ces dernières semaines que votre corps répondait mieux ?

Absolument. Mon corps m’a dit : « C’est bon, ça va. » (rire). De temps en temps, je le sens encore parce que c’est tout frais. Mais c’est derrière moi. C’est surtout que j’ai réussi à mettre des mots sur la douleur, sur la façon de l’appréhender.

Samedi, face au Munster, vous avez pris le premier intervalle du match qui a conduit à un essai…

C’est quelque chose que je n’aurais pas fait il n’y a pas si longtemps ! Voilà, c’est la confiance dont je parlais, le quotidien des entraînements. J’ai besoin de ça. Cette action m’a mis dans le match. Quand je joue libéré, ça va. Je peux être pénalisé, faire deux ou trois petites erreurs. Mais pas de souci, je rattrape derrière. Je suis dans une autre dynamique.

Avez-vous une complicité particulière avec Pita Ahki, votre compère au centre ?

Oui, nous sommes proches humainement depuis le début, même si je n’ai pas forcément eu trop l’occasion de jouer avec lui. Je pense que nous sommes complémentaires. Lui est plus technique ballon en mains et davantage dans la volonté de déplacer le jeu. C’est aussi un gros défenseur sur l’homme. C’est rassurant d’être à ses côtés car, même s’il semble timide, il communique beaucoup sur le terrain.

Qu’avez-vous ressenti en voyant cette marée rouge dans les tribunes de Dublin ?

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Je pensais déjà que le stade Vélodrome, c’était pas mal. Mais au niveau de l’ambiance, il n’y avait pas la ferveur du public du Munster. J’avais l’impression d’avoir le cœur de l’Irlande contre nous. Du coup, les silences étaient également impressionnants. Cela nous avait marqués en Ulster, où les gens étaient très respectueux du buteur. Alors là, quand tu avais 40 000 personnes qui se taisaient d’un coup, c’était dingue. Même pour les tirs au but. Dans la même situation en France, tu te fais siffler et insulter (rires). Samedi dernier, on avait les tribunes rouges. Là, on aura les mêmes tribunes mais bleues !

Comment abordez-vous cette demi-finale à titre personnel ?

Bien, même si je n’ai pas beaucoup d’expérience à ce niveau car je n’ai disputé samedi que mon deuxième match de Champions Cup. C’était même mon premier match de phase finale avec Toulouse. Avec un tel dénouement, je ne risque pas de l’oublier ! En demie, on aura carrément l’équipe d’Irlande en face de nous.

Et la paire de centres Henshaw-Ringrose. Que vous inspire-t-elle ?

Ce sont d’excellents joueurs sur la scène européenne, voire les meilleurs. Quand on les regarde, on comprend assez vite que ce sont des références au poste.

Vous devez avoir beaucoup d’énergie à apporter au groupe…

Certains ont tiré sur la couenne et vont le faire encore mais d’autres sont là pour apporter cette fraîcheur. Moi, en tout cas, j’ai de l’énergie à revendre.

En cours de saison passée, vous avez prolongé pour trois ans au Stade toulousain. Qu’est-ce qui avait nourri ce choix ?

On a discuté avec Didier (Lacroix), Jérôme (Cazalbou), Ugo (Mola) et mon agent. Je revenais plutôt bien sur la fin de saison dernière et me disais : « Non mais je ne peux pas m’en aller comme ça. » Je ne dirais pas comme un malpropre mais bon… Ce n’est pas dans mon éthique personnelle. L’histoire ne pouvait pas être finie. Ensuite, j’ai entendu parler d’un retour à Agen. Mais pas du tout. J’ai encore deux ans de contrat et je n’ai pas évoqué l’idée de partir.

On parle beaucoup des titres toulousains sur les trois dernières années. Comment les avez-vous vécus ?

Pour le premier de champion de France (2019), je me suis fait les croisés en début de saison. Voilà, première grosse blessure, ça gagne au bout, je ne suis pas dans le truc mais ça va. L’an passé, le doublé… Je me fais un tendon et, pour la finale de Coupe d’Europe, je suis en rééducation au Cers (Centre européen de rééducation du sportif) de Capbreton. C’était affreux.

Vous ne vous sentez pas champion d’Europe ?

(Il réfléchit) C’est dur. Le frigo des autres est bien plein mais, dans le mien, il y a à peine une bière au fond (sourire). J’ai envie de le remplir. Je veux soulever un trophée mais y être, cette fois.

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