Les regards étaient rivés sur lui. Toujours en démêlé avec la justice argentine, Oscar Jegou a su faire fi du contexte extra-sportif pour signer un retour au jeu sensationnel, samedi, avec son club de La Rochelle. Récit d’une soirée que le troisième ligne international ne pouvait espérer meilleure.
« Je me demandais comment il allait être accueilli… Franchement, je suis trop heureux pour lui ! » Alexandre Kaddouri était le mieux placé vers 19h45, samedi, au moment de fendre une foule de Deflandre qui a fait fuser les « Allez Oscar ! », pour évaluer les prémices du jour d’après de son (intime) ami Oscar Jegou. Un samedi soir chez Marcel, son jardin de toujours, où le troisième ligne du Stade rochelais a très vite repris – et de quelle manière – le fil d’une carrière interrompue par l’affaire de viol aggravé en Argentine dans laquelle il reste impliqué avec le Palois Hugo Auradou, faute d’un non-lieu somme toute autant inéluctable qu’il ne tarde à être prononcé.
Si la direction du club à la caravelle avait dans la semaine décidé de ne finalement plus se calquer sur le bancal calendrier judiciaire pour relancer son protégé, ce qui n’a pas manqué d’agiter la sphère publique, elle n’a pas été déçue de ce revirement. Deflandre non plus. Et encore moins l’intéressé, impatient d’en découdre avec un ballon ovale et des adversaires en short. Cela a crevé les yeux, au cours d’une prestation majuscule, digne de l’homme du match, ponctuée d’une ovation descendue des tribunes. Des dizaines de « Je-gou », « Je-gou », « Je-gou ». Dont les premiers ont résonné dès l’heure de jeu, d’ailleurs, pour saluer son essai synonyme de bonus offensif. Et ce cœur alors dessiné par le natif de La Rochelle avec ses doigts. L’image marquante d’une soirée au plus que parfait, que ce supporter croisé dans la haie d’honneur pressentait « très importante pour lui, parce qu’il a souffert. »
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Confiance et omniprésence
Tout du long, Oscar Jegou avait visiblement besoin de verbaliser. Quand il s’est par exemple précipité pour haranguer avec rage ses coéquipiers venus désarçonner un maul (55e). Quand il a exulté, aussi, tel un vainqueur de Grand Chelem, sur l’ultime bras de fer en mêlée. Comme pour, au-delà du succès rochelais, évacuer toute sa frustration de longues semaines de cache-cache quand son pote et co-accusé Hugo Auradou, lui, en était déjà à sa cinquième apparition sportive depuis la « nuit de Mendoza ».
« Oscar était juste heureux de jouer, témoigne Kaddouri, pilier de son état. Cela faisait un moment qu’il attendait de pouvoir rejouer. » Et qu’importe les projecteurs naturellement braqués sur lui, affaire en cours oblige, « il a plus pensé à son match qu’à ce qui allait se passer autour. » « Il a cette faculté, complète son compère troisième-ligne Matthias Haddad-Victor, à faire la part des choses et à pouvoir s’exprimer en toute confiance sur le terrain. » Propre d’entrée en touche, Jegou est vite monté en puissance d’un contest autoritaire dans sa moitié de terrain (18e). Jusqu’à ensuite cavaler partout, de tous les bons coups.
Leyds évoque les Bleus
« Si je m’attendais à ce qu’il tienne 80 minutes ? Aucun problème ! Il est léger, mais son cœur, lui… », en rit Donnacha Ryan au sortir des vestiaires et d’ »un bon moment passé avec les grands parents d’Oscar ». Et l’entraîneur des avants rochelais de se montrer dithyrambique : « Quel match ! C’est un super joueur. Mais ce n’est pas une surprise car on est des privilégiés de le voir évoluer chaque jour. Il est très lucide. Les trois dernières semaines, il était très motivé, très efficace sur ses qualités à l’entrainement. Son travail en muscu était évident vu ses impacts sur le terrain (Van Der Mescht peut en témoigner à la 30e, N.D.L.R.). C’est tout sauf un hasard s’il a marqué un essai. »
Très proche d’un doublé, poussé in extremis en touche à 5m de l’en-but parisien (58e), en plus d’être directement impliqué sur les deux premières réalisations de son équipe, Oscar Jegou a bluffé son monde. « Il est énorme, insiste Dillyn Leyds, capitaine du soir. On est très fiers de lui. Il était dans le dur ces deux, trois derniers mois mais on était toujours derrière lui. Il doit être fier de sa performance. S’il continue comme ça, il ne va pas être loin de retrouver l’équipe de France. Je l’espère pour lui. » Reste des échéances, d’ici là. Dont une capitale, d’ordre judiciaire.
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