Le 23 mars 2018, Radouane Lakdim, un petit délinquant radicalisé de 25 ans, entame son périple meurtrier en tirant sur deux hommes dans un lieu de rencontre homosexuel à Carcassonne (Aude), l’un des deux en meurt. Puis il ouvre le feu et blesse un CRS sur la route du Super U de Trèbes, où il abat un client et un employé et prend en otage une caissière. Il blesse ensuite mortellement le gendarme Arnaud Beltrame, qui s’était substitué à l’otage, avant d’être abattu par les forces de l’ordre. Les investigations ont montré que Radouane Lakdim avait agi seul.
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“Il aimait la nature”
L’origine de son pistolet n’a jamais été retracée et le poignard avec lequel le lieutenant-colonel Beltrame a été égorgé avait été acheté quinze jours avant l’attentat dans un magasin de chasse et pêche. Samir Manaa, 28 ans, “meilleur ami” de Radouane Lakdim, selon le dossier, l’y avait accompagné, en ayant conscience de sa radicalisation, assure l’accusation. Depuis son box, Samir Manaa, pantalon beige, le col de chemise blanche dépassant d’un pull sombre, s’exprime les mains croisées devant lui pour cacher son stress. Avec Radouane Lakdim, “on sortait en boîte”, “on faisait des footings, des tractions, des pompes”, décrit-il.
Dans le quartier “tout le monde savait” que Radouane Lakdim haïssait les “mécréants”, les policiers et les homosexuels, s’exaspère le président Laurent Raviot. “Il n’en parlait pas avec moi”, assure l’accusé. Et l’achat du poignard de chasse, il pensait que c’était pour quoi ? “Il aimait la nature…”, tente Samir Manaa. “Vous n’allez pas me servir la version du couteau pour se défendre contre les sangliers !”, se raidit le président. Une excuse utilisée par l’assaillant dans sa jeunesse. Radouane Lakdim, “il n’était pas chasseur ?” “Non, il n’était pas chasseur”, confirme Samir Manaa.
“Il se vantait d être fiché S”
Au total, cinq des sept accusés sont jugés pour “association de malfaiteurs terroriste”. Le parquet antiterroriste ne l’avait réclamé que pour Samir Manaa et la petite amie radicalisée de Radouane Lakdim, Marine Pequignot, interrogée cette semaine prochaine.
À la barre mercredi dernier, Reda El Yaakoubi, 34 ans, qui comparaît libre, encourt lui aussi trente ans de réclusion criminelle. Le raisonnement de l’accusation est simple : il était le “caïd” de la cité, le “chef” du trafic de drogues local. Radouane Lakdim “charbonnait” pour lui, Reda El Yaakoubi savait qu’il était radicalisé, il l’a donc “de ce fait matériellement et financièrement aidé”. “C’est sûr et certain qu’il n’aurait jamais travaillé pour moi, il se vantait d être fiché S, ça pouvait faire peur aux gens”, soutient en boucle le “caïd” El Yaakoubi, plutôt penaud dans sa chemise à carreaux.
“Malade mental”
Vendredi, c’est au tour d’Ahmed Arfaoui, “El Grande” “parce que je suis grand“, le beau-frère de Radouane Lakdim d’être interrogé par la cour. Comme les deux précédents accusés, il n’a montré aucun signe de radicalisation. “Je suis né musulman, mais je ne suis pas musulman, je ne prie pas”, précise l’accusé de 29 ans, en doudoune noire.
**Horrifié par l’acte de “malade mental” commis par Radouane Lakdim, il s’emmêle les pinceaux pour justifier pourquoi il avait, après l’attentat, publié une photo de lui, sa femme et Radouane Lakdim en fond d’écran de son téléphone. “J’étais amoureux de ma femme, je la voyais souffrir”, soutient-il. Lui est accusé par l’un de ses voisins de box d’avoir “nettoyé” en catastrophe l’appartement familial pendant la prise d’otage, emportant notamment un “gros sac noir”. Ce qu’il nie vigoureusement.
Lors de ces interrogatoires, la cour s’est souvent éloignée des attentats pour se plonger dans la vie et les embrouilles du quartier. Les réquisitions sont prévues le 20 février.
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