“L’argent public n’est pas dépensé de manière optimale.” Voilà le constat sans appel de la président de la Chambre régionale des comptes d’Occitanie. Valérie Renet présente ce mercredi 25 octobre le rapport du gendarme des finances publiques, qui s’est penché pendant 18 mois sur le modèle économique des sept aéroports intermédiaires (moins de 700.000 voyageurs par an) de la région. Béziers en tête, tous sont en déficit, d’en moyenne deux millions d’euros par an chacun, compensé par les collectivités locales.
Ce déséquilibre chronique vient du maillage aéroportuaire, trop dense selon la CRC. Toulouse et Montpellier phagocytent 85% du trafic aérien. Les sept autres, Nîmes, Béziers, Perpignan, Carcassonne, Tarbes, Rodez et Castres se partagent les 15% restants et se concurrencent les uns les autres vu leur proximité, entre eux ou avec les autres pôles régionaux. “Ce maillage ne permet pas d’attirer les grandes compagnies aériennes” explique Isabelle Hovenaghel, la présidente de la deuxième section de la CRC, en charge de l’Hérault et du Gard, ce qui crée une dépendant aux vols low-cost pour attirer les voyageurs.
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Des avantages financiers pour attirer les compagnies low-costs
Vu cette concurrence, la chambre régionale des comptes pointe le rapport de force défavorable des exploitants quand ils négocient avec les compagnies aériennes, obligés de faire des offres financières intéressantes pour les attirer chez eux. Ces aides à l’installation, ces contrats marketing ou ces remises sur les frais de fonctionnement creusent le déficit des aéroports, déficits ensuite épongés par les collectivités locales. Béziers, avec ses trois millions et demi de pertes, et Carcassonne sont les “mauvais élèves”, Tarbes et Nîmes s’en sortent le mieux, détaille Valérie Renet, qui rappelle que tous les aéroports perdent de l’argent, en moyenne deux millions d’euros par an.
La CRC conteste le volume des retombées économiques
Au total, chaque année, ce sont 30 millions d’euros d’aides et de subventions publiques qui partent dans les aéroports d’Occitanie selon la chambre régionale des comptes, qui estime qu’il n’y a pas d’efficacité dans ces dépenses publiques. Les collectivités expliquent pourtant, comme le faisait Philippe Vidal, président de l’aéroport Béziers-Cap d’Agde sur France Bleu Hérault, que ces dépenses sont justifiées par les retombées économiques sur le territoire desservi par l’aéroport. La CRC énumère en effet les 27.000 emplois créés ou le milliard et demi d’euros de retombées économiques avancés par les collectivités au niveau de la région.
Des effets que la CRC ne nie pas, mais dont elle conteste l’ampleur. “Les études commandées par les collectivités ne montrent pas de lien direct entre les retombées et la présence d’un aéroport, elles font un lien entre la présence de touristes et les retombées” nuance Isabelle Hovenhagel, arguant en plus que certaines de ces études pourraient être biaisées par “les liens d’intérêts entre les prestataires et le secteur aérien“. L’instance considère donc que l’efficacité de ces dépenses publiques n’est pas prouvée.
Eviter les vols “doublons”
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Pour autant, “nous ne préconisons pas la fermeture des aéroports” tient à souligner Valérie Renet. Certains sont nécessaires au désenclavement, comme Rodez ou Castres, quand d’autres proposent des infrastructures impératives pour la sécurité civile, comme le pélicandrome de Béziers ou de Nîmes. Elle plaide plutôt pour une rationalisation de la gestion de ces aéroports au niveau régional. Éviter les doublons, comme ces vols Pau-Paris et Tarbes-Paris qui décollent quasiment à la même heure. Se répartir les lignes entre Montpellier et Nîmes. Le conseil de la CRC est de changer de modèle économique pour ne plus dépendre totalement des aides publiques pour fonctionner, d’autant que cette manne pourrait se tarir dans un avenir proche.
Le couperet européen de 2027
En effet, la commission européenne doit se pencher en 2027 sur les aides publiques aux aéroports. Comme elle l’a déjà décidé au cas par cas, elle pourrait estimer que ces larges subventions constituent une concurrence déloyale pour les autres aéroports de l’Union et les déclarer illégales. Pour l’instant, les collectivités occitanes n’ont pas pris en compte cette éventualité dans les plans de développement de leurs aéroports estime le rapport.
Quid du financement public d’un moyen de transport ultra-poluant ?
Enfin, dans une période où le dérèglement climatique occupe le débat public, la CRC s’interroge sur le financement avec l’argent public d’un moyen de transport qui génère 100 fois plus de gaz à effet de serre que le train pour un trajet région-Paris, pour un gain de temps “d’une heure maximum” selon le gendarme financier.
Toutefois les recommandations de la chambre régionale des comptes restent consultatives, les collectivités n’ont aucune obligation de les suivre ou non.
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