Deux mois jour pour jour après les émeutes urbaines, comment retisser les liens entre forces de l’ordre et certains jeunes ? Illustration à Montpellier dans le quartier de la Mosson qui a connu des violences et des pillages, commissariat local pris pour cible, bureau de poste détruit, commerces et arrêts de transports saccagés.
Quartier de la Mosson, il existe depuis 1991 un centre de loisirs pour jeunes (CLJ) géré par la police nationale. Ce centre est ouvert 145 jours par an pour des jeunes de 12 à 18 ans (soutien scolaire, initiation aux arts martiaux, gym, théâtre, ping-pong, salle informatique, consoles de jeux, accueil des familles en cas de problème). Le CLJ possède également une base nautique sur la plage de Villeneuve-lès-Maguelone, où les policiers emmènent jusqu’à 50 jeunes par jour chaque été pour faire du paddle, du canoé ou encore de la bouée tractée.
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« J’oublie qu’ils sont policiers »
« Pour ceux qui ont une mauvaise image de la police, ça peut changer quelque chose. En fait, pour tout dire, moi parfois, tellement je m’amuse avec eux, j’en oublie qu’ils sont policiers », explique Hocine. À ses côtés, Olivier Calame, le responsable du CLJ confirme : « C’est un dialogue constructif pour mieux se comprendre ».
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Deux à trois fois par an, les jeunes nettoient également la plage en lien avec le conservatoire des espaces naturels pour la faune et la flore.
Une association pour refaire du lien
Dans le quartier de la Mosson à Montpellier, l’association « Mot-son » organise aussi des concerts et des sorties culturelles pour ces jeunes. Ils tentent de refaire du lien après les émeutes de la fin juin. C’est un accompagnement à l’année qui fait vivre tout un quartier et qui permet d’inculquer des valeurs républicaines. Mais il y a du travail.
Il y a par exemple, ce jeune homme bien connu des médiateurs. Lui ne regrette rien. « Il n’y a pas eu de justice après la mort de Naël. Les gens, ils ont fait justice eux-mêmes. Ils ont eu raison de faire ça. » Khalid, le jeune éducateur de l’association, tente une approche : « La justice pour qui et pourquoi ? Pour casser, pour foutre la merde ? » Amine, un lycéen de seize ans, lui, partage le point de vue de ses éducateurs. « Les émeutes ont plus attaqué des services publics qu’autre chose. Pas loin de chez moi, des commerces ont été détruits. Du coup, ça a été plus difficile pour mes parents d’aller faire leurs courses, ils doivent aller beaucoup plus loin. »
D’autant que certains arrêts de bus saccagés n’ont pas encore pu être reconstruits durant l’été. Malika, une bénévole en soutien scolaire, ne se remet pas des émeutes. « C’était choquant. On n’aurait pas dit que c’était notre quartier à nous. Ils ont détruit la Poste. De la casse pour la casse. »
« Aujourd’hui, certains voudraient une justice comme au Moyen Âge avec une sentence publique le lendemain »
Khalid Bouazaoui, le directeur de l’association, rappelle à ce jeune que le policier qui a tué Naël est en détention provisoire. « En fait, la justice a un temps. Malheureusement, aujourd’hui, avec la rapidité des réseaux sociaux, on veut presque une justice comme au Moyen Âge, avec une sentence publique le lendemain. Sauf que ce n’est pas comme ça. Et pour justement qu’une justice soit raisonnable, il doit y avoir une présomption d’innocence. Il doit y avoir un procès. Il y a des pères de famille qui se retrouvent avec leurs voitures brûlées le matin, ils ne peuvent pas aller au travail. Il ne faut pas faire d’amalgame. »
En face de Khalid, Lyna et Inaya, 15 et 18 ans, qui rigolent parfois en repensant à certains messages publiés sur les réseaux sociaux. « Surtout quand il y a des gars qui sont en train de voler des magasins et qui demandent s’ils restent Yop. Enfin, je suis désolée mais c’est culotté quoi. » Mais voilà, ça ne fait pas rire du tout Ahmed derrière son tiroir-caisse. Ici, c’est l’épicerie du quartier Le Comptoir de Carthage. « Là, pendant les émeutes, on a brûlé le camion du propriétaire du magasin. La première victime, c’est le quartier. C’est triste. »
Triste, mais pas fataliste, Khalid de l’association Mot’son porte un nouveau projet. Dans ce grand local à rénover, l’ancien décrocheur scolaire devenu éducateur pourrait aider davantage de jeunes. « Tous les jours, il y a un accompagnement scolaire de 17h à 19h, tous les mercredis, des activités culturelles, des créations d’émissions de radio, des créations de courts-métrages, des enregistrements studio pour enregistrer des poésies, des sorties, du loisir, de la culture. Tout le temps mettre de la culture parce qu’elle est élévatrice. Les jeunes, moins ils seront dehors et plus ils seront accompagnés et moins on aura de problèmes. »
« Pourvu que les moyens arrivent »
Khalid espère que les choses iront vite côté administratif. « Pourvu que les moyens arrivent », comme le dit Malika. « Les gens ont peur, ils ont peur qu’il y ait encore une petite étincelle pour faire de la casse. »
Ici, à la Mosson, la plupart considère le calme apparent retrouvé dans le quartier comme un bien commun très fragile.
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