Jean-Albert Lièvre, réalisateur ayant travaillé de nombreuses années pour Usuhaïa et Nicolas Hulot, sort un film sur les baleines aux quatre coins du monde. Un documentaire hors du commun, poétique et immersif, présenté ce mercredi en avant-première à MonCiné Béziers. Entretien.
Comment est née l’idée de faire ce film sur les baleines ?
Nous étions en tournage pour Usuhaïa au Silver Bank. Nous les entendions chanter mais ça ne se passait pas très bien. Nous n’avions aucune image. Et puis, en plongée, tout à coup, j’ai vu le fond bouger devant moi. C’était une baleine en fait, je ne l’avais pas vu tellement j’étais près et tellement elle était grande. Nous avons eu un échange de regard, ça a été un choc émotionnel fort. Après j’ai fait d’autres choses mais j’ai gardé cette idée en tête. Jusqu’à ce que je tombe sur le poème d’Heathcote Williams, c’était exactement ce que j’avais envie de faire : le cosmos et les baleines. Vue de l’espace, la terre est bleue et c’est vraiment le territoire des baleines, pas celui de l’homme.
Quel est votre message dans ce film ?
Celui-là justement : qu’il y a d’autres sociétés sur terre que celle des humains, avec leurs intelligences, leurs organisations… On partage la planète avec elles. Les baleines ont 35 millions d’années, elles connaissent bien mieux leur environnement que nous. Nous ne connaissons que 5% des grands fonds marins. Elles ont leur propre communication, leur propre système de navigation. Elles sont organisées socialement. On a peut-être quelque chose à apprendre d’elles.
Comment avez-vous tourné ?
Je ne suis pas un spécialiste du monde sous-marin. Je voulais qu’il y ait une proximité, pour retrouver cette émotion de l’échange de regard et aussi de l’éloignement rendu possible avec les drones. Je voulais que ce film soit un choc visuel, que la baleine apparaisse toute petite sur terre, mais aussi en taille réelle sur l’écran. C’est pour ça que j’ai tout de suite voulu un film de cinéma. Que le son soit immersif, qu’on se sente sous l’eau avec elles. Le son a été mixé en Atmos.
Nous avons tourné pendant le Covid. L’inconvénient c’est que certains territoires étaient totalement fermés comme l’Asie, mais là où on a pu tourner, on était seuls, sans touristes. Nous avons tourné au Mexique sur trois saisons, à Tahiti avec deux équipes. On a fait ça en toute petite équipe avec le plus possible de locaux qui avaient l’habitude de plonger là et de faire des images. On venait à deux ou trois maximum de Paris, avec le matériel extérieur et des optiques. Ça nous a permis de tenir un tout petit budget : 2 M€ quand Ocean en fait 100. Là où on n’a pas pu être, j’ai travaillé avec des cinéastes que je connaissais et à qui j’ai envoyé des story-boards très précis. Nous avons beaucoup tourné en apnée ou en recycleur sans bulle.
Quelle est l’importance des baleines sur terre ?
C’est une espèce parapluie. Une pompe écologique dans le fond des océans, vitale à tout le système. Elles ont un rôle sur le climat avec le phytoplancton qu’elles mangent. Elles permettent une production d’oxygène plus importante que les forêts. Elles régulent l’équilibre terrestre.
Qu’apporte Jean Dujardin, en dehors de sa notoriété, au film ?
Il était concerné, il avait nagé avec des cachalots. Son frère coproduit le film, il avait donné un accord de principe pour faire la voix off. Et il a donné son accord définitif quand il a vu le film fini avec ma propre voix. Le film lui a plu. Sa voix, très posée, apporte un plus, une émotion supplémentaire. Il parle pour les baleines, en disant je.
Et pourquoi le partenariat avec Project Ocean Rescue ?
Jean Dujardin en était un peu le parrain. Il a proposé de faire quelque chose avec eux. Le plastique, depuis 30 ans que je tourne un peu partout, j’ai vu la terre s’en charger. C’est un énorme problème. Il faut que ça s’arrête. Ramasser c’est bien, mais il faut l’interdire.
Restez-vous malgré tout optimiste ?
Oui. Car ce sont des cycles. Quand le plastique est apparu, c’était un bienfait presque écologique. Comme la voiture au début. Chaque fois, on fait un pas en avant puis un pas en arrière. Notre société humaine technologique en est à son adolescence. On va faire beaucoup d’erreurs, ça va prendre du temps, il y aura beaucoup de dégâts mais la terre est costaude. Alors oui je suis optimiste. Il faut trouver un équilibre démographique. Et prendre des mesures. Le moratoire pour les baleines permet de voir ses populations réaugmenter pour certaines. C’est en bonne voie.
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