La très critiquée réforme de la police nationale continue de faire parler d’elle. Vendredi, le directeur de la police judiciaire de Marseille a été démis de ses fonctions, après une manifestation de ses agents pour la dénoncer. France 3 Occitanie s’est entretenu avec Bruno Bartoccetti, responsable de la zone sud pour le syndicat Unité SGP Police.
Après l’éviction vendredi d’Eric Arella, estimé directeur de la police judiciaire de Marseille, au lendemain d’une manifestation de ses agents, le débat sur la réforme de la police nationale ressurgit. Bruno Bartoccetti, responsable de la zone sud pour le syndicat Unité SGP Police, explique à France 3 Occitanie les points de crispation qui l’entoure.
France 3 Occitanie : En quoi consiste la réforme de la police nationale ?
Bruno Bartoccetti : Il s’agit de mettre un directeur départemental à la tête des trois directions actuelles : la sécurité publique – assurée par environ 80% des fonctionnaires de police, la police aux frontières et la police judiciaire (PJ).
Prenons l’exemple de l’Hérault : le directeur de la sécurité publique aujourd’hui va devenir le directeur de la police nationale, et ainsi chapeauter les trois directions. C’est d’ailleurs actuellement le cas à titre expérimental dans ce département. Cela signifie qu’il aura la possibilité de faire fonctionner l’ensemble de ses effectifs, en fonction des situations.
“Tout ne peut pas être [centré] sur la présence policière sur la voie publique : on doit impérativement préserver le travail d’enquête.”
Bruno Bartoccettià France 3 Occitanie
Ce n’est pas seulement la réforme de la police judiciaire, c’est la réforme de la police nationale. La police judiciaire s’exprime davantage parce qu’elle travaille, à l’inverse de la sécurité publique, sur des régions ou sur des zones.
En protégeant le travail judiciaire, on protège essentiellement les victimes qui attendent des résultats en matière d’enquête. Tout ne peut pas être [centré] sur la présence policière sur la voie publique : on doit impérativement préserver le travail d’enquête.
Qu’est-ce que les policiers reprochent à cette réforme ?
Le directeur de la police judiciaire limogé vendredi était le directeur de toute la zone sud. Avec la réforme, on va départementaliser la police judiciaire. Mais qu’est-ce que ça signifie ? Si une enquête commence à Montpellier et se termine à Bordeaux ou à Toulouse, qui va se donner les moyens de travailler ?
La priorité aujourd’hui, c’est l’ordre public. Un préfet qui va avoir la main sur le directeur départemental, va finalement avoir la main sur toutes les directions. Sans être paranoïaque, sans remettre en cause la neutralité du préfet vis-à-vis du travail d’enquête, sa priorité va être l’ordre public.
“On va être corvéables en fonction des endroits.”
Bruno Bartoccettià France 3 Occitanie
On demande de mettre deux fois plus de policiers sur la voie publique, or on ne va pas recruter deux fois plus dans la police nationale. C’est très inquiétant pour les policiers de ne pas savoir comment ils vont être employés. Qu’elle va être désormais l’affectation des agents ?
On va leur demander d’être mobile et généraliste, et ils n’auront plus une affectation d’origine. On va être corvéables en fonction des endroits. Si vous dites à des policiers spécialisés dans le grand banditisme, les stups, etc., qu’ils vont devoir être généralistes, c’est inquiétant pour le cœur du métier.
Une réforme n’est-elle pas nécessaire ?
On n’est pas contre la réforme. Ce qui est important, c’est de savoir où on va. Il faut s’adapter, il faut réfléchir, on doit regarder où on doit se donner les moyens de travailler.
Cette réforme est mise en place à titre expérimental dans les Pyrénées-Orientales depuis un an et dans l’Hérault depuis six mois, et l’exécutif veut la généraliser très rapidement dès le premier trimestre 2023. Or, nous n’avons pas les résultats de cette expérimentation, ce qui veut dire qu’on veut à tout prix la passer au forceps, sans avoir pris le recul.
“Dès qu’un directeur de la police judiciaire fait des propositions différentes de cette réforme, tout en la respectant, il se fait limoger.”
Bruno Bartoccettià France 3 Occitanie
Ce qu’on reproche à notre ministère, c’est de ne pas nous écouter. Il faut qu’ils écoutent nos remontées [du terrain ndlr]. Malheureusement, qu’on ait tort ou raison, on ne nous écoute pas. La preuve : dès qu’un directeur de la police judiciaire [Eric Arella ndlr], un grand monsieur de la PJ, 40 ans de service, respecté et respectable, fait des propositions différentes de cette réforme, tout en la respectant, il se fait limoger. On voit bien que c’est malheureusement très vertical.