International à 42 reprises, vainqueur du tournoi des 5 nations à quatre reprises dont un grand chelem et finaliste de la coupe du monde en 1987, Éric champ est surtout un des plus grands capitaines de Toulon, son club de cœur et de toujours, remportant deux Brennus avec le RCT. « C’est un honneur de figurer dans votre série », s’étonne-t-il pourtant, lui qui incarne toujours aussi bien la « toulonnitude » qui traverse les époques.
Éric Champ n’a pas changé. Il est ce formidable passeur d’émotions. À l’écouter avec ce soleil dans la voix, son enthousiasme enfantin, et son rire communicatif, l’ancien capitaine de Toulon vous emporte tout de suite dans les contes et légendes du RCT. Il n’est pas difficile d’imaginer le capitaine qu’il a été et pourquoi il le sera à jamais dans les cœurs des supporters des Rouge et Noir, pourquoi l’institution varoise fait appel à lui pour parler des valeurs d’un club à part au moment de présenter son nouveau maillot pour la saison prochaine, copie conforme de celui du titre de 1992.
« Il était plus toulonnais que toute l’équipe réunie, confie l’entraîneur d’alors Jean-Claude Ballatore. Avec André Herrero dans les années 70, Eric Champ est un des très grands capitaines du RCT. Il a connu plusieurs entraîneurs et il a toujours été le capitaine indiscuté. On peut dire que c’est une légende. C’est un mot un peu à la mode, parfois usurpé, qui va mieux à certains qu’à d’autres mais je trouve que ça va bien à Éric. » Il a gagné ses galons sur les terrains, y laissant souvent son corps et toujours un peu de sang.
Une image de guerrier qui tranche aujourd’hui avec son incroyable gentillesse et sa bienveillance. Tout l’inverse de ce qu’il réservait à ses adversaires. « C’est un joueur qui conjuguait très bien l’engagement physique et le fait d’être leader, poursuit l’ancien entraîneur. Il donnait l’exemple. C’était vraiment quelqu’un d’euphorisant. C’était un joueur qui n’avait aucun complexe, doué techniquement, physiquement costaud, psychologiquement toujours prêt à aller au combat pour son équipe. Il était très complet dans le costume du leader. Ce qu’il disait transpirait. Ses coéquipiers attendaient la phrase choc avant le match et ils communiaient autour de lui. Je laissais Eric aux commandes psychologiques avant d’entrer sur la pelouse. Je ne voulais pas être un entraîneur qui abreuve de consignes et de mots juste avant d’entrer sur le terrain et laisser seulement Eric s’exprimer une fois sur la pelouse. Je voulais qu’il y ait un échange, une construction dans ce que nous voulions faire. Nous étions très complémentaires. »
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Un maintien dont il fut un acteur majeur
Éric Champ était ce meneur d’hommes ultime, incarnant un état d’esprit et tout un club qu’il a sauvé de la relégation quelques semaines avant le titre de 1992. C’est certainement au stade Sabathé de Montpellier, avec sa toute petite tribune, bien loin du décorum du Parc de Princes que le troisième ligne international a démontré qu’il était bien le général en chef des Rouge et Noir.
Face à Aurillac, le RCT jouait alors un match à quitte ou double pour sauver sa place au plus haut niveau, comme le confie Jean-Claude Ballatore encore médusé par la manière dont Éric Champ avait conduit ses troupes ce jour-là : « On joue le match de la survie qui nous amène au titre de champion. Il a été un seigneur ce jour-là. Il a dominé l’événement parce que les autres en avaient besoin, moi y compris (rires). » On peut alors fantasmer une préparation brutale avant ce « match à zéro passe » dans le souvenir d’Éric Champ. Mais cet infatigable guerrier n’était pas ce genre de meneur d’hommes : « Mettre des gifles pour réveiller les partenaires, ce n’était pas mon truc. Après, j’ai joué dans des collectifs où les mecs n’avaient pas besoin de ça pour être des guerriers ! Mon but n’était pas de les énerver, il valait mieux les calmer. »
Éric Champ n’a jamais été aussi grand comme capitaine qu’au cours de cette saison 1991-1992 où les Toulonnais ont senti la chaleur ardente des enfers avant de s’enivrer de gloire : « à Toulon, le contexte est un peu particulier, quand ça perd on te jette des pierres et je ne dis pas que ce n’est pas bien. Il fallait trouver des choses pour se délivrer un peu de cette pression. Quand on gagne c’est l’euphorie et il faut savoir s’en extraire aussi. J’avais donc décidé de vivre dans les collines à vingt kilomètres. Ça me permettait de garder les pieds sur terre quand j’étais bon et de souffler quand je ne l’étais pas. J’ai essayé de partager ça. On partait s’entraîner là-bas quand il n’y avait pas de match avant un pique-nique. On s’est entraîné différemment, on s’est connu différemment. On était persuadé du talent des jeunes mais il fallait trouver des moments d’échanges et de partages. J’ai pris des initiatives pour créer du lien. »
C’est pour lui le plus grand rôle d’un capitaine : « Tu es le garant d’une façon d’être. Tu le portes en toi. C’était le vrai rôle du capitaine, sur le terrain mais aussi à l’extérieur. Le capitaine est un trait d’union, un filtre, un entonnoir entre le président, l’entraîneur et le groupe. C’était formidable de trouver des relations avec les uns et les autres pour ne pas que l’on ne se trompe d’objectif et finalement grisant d’avoir connu ce vrai lien. »
« Le pouvoir magique » de Mayol
Et c’est après les batailles remportées mais aussi perdues qu’il a mesuré toute l’émotion d’avoir été capitaine du RCT, son club de toujours : « On mesure plus le fait d’avoir été capitaine après que pendant. Quand tu es désigné il faut assumer car c’est une charge supplémentaire. Quand tu es capitaine tu dois gérer le collectif, l’environnement tout en te préservant une place. Ce n’est pas facile. Je ressens plus aujourd’hui que j’ai été capitaine quand on se revoit, que l’on se raconte les vieilles histoires. »
La sortie du tunnel de Mayol en 1991 face à Bègles est toujours aussi savoureuse : « L’histoire du lacet débute par un pur hasard. Rentrer avec le ballon en tête au stade Mayol est un véritable privilège. En parler encore aujourd’hui me donne des frissons. C’est un pouvoir magique. Un jour je vais rentrer sur le terrain et j’ai le lacet dénoué. Je le dis à l’arbitre qui me dit de refaire le nœud. Et l’équipe adverse rentre alors seule sur le terrain. Je m’aperçois que le public de Mayol souhaite la bienvenue à nos adversaires à la manière toulonnaise. Après, j’ai renouvelé l’opération lors de quelques matchs symboliques et notamment celui face à Bègles. Mais il y avait quelques balances autour de Toulon qui avaient de grandes amitiés avec les Bèglais et qui les avaient avertis. Le dénommé Laporte a refusé de rentrer et nous sommes donc rentrés en marchant alors que l’on rentrait en courant à l’époque. »
Lors du match retour, Éric Champ alla frapper à la porte du vestiaire girondin : « Je suis là. On y va les filles. Les Bèglais pensaient que je ne viendrais pas à Bordeaux car j’avais sacrément morflé à l’aller. Mais ce maillot t’aide toujours à te relever. » Il n’avait pourtant pas de maillot sur les épaules lors de la finale 1992 en montant dans la tribune du Parc des Princes pour soulever le Brennus. Il était suspendu plus que de raison après une altercation avec Abdelatif Benazzi quelques semaines plus tôt, devenant le premier capitaine en costard à soulever le Bouclier : « La connerie est humaine même pour les gens qui doivent être représentatifs, mais l’équipe va jusqu’au bout et on me dit que c’est à moi d’aller chercher le Bouclier. C’est une très belle histoire. Les jeunes m’ont fait roi après une saison difficile. C’est un très grand moment de vie. Je les aimais avant et je les aime encore plus maintenant. » Un amour qui dure depuis trente ans. La plus belle victoire d’un capitaine.
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