Fabien Pelous : « Le Leinster a amené le rugby dans une autre dimension… »

Le recordman des sélections chez les bleus a suivi attentivement les deux demi-finales européennes. Il nous explique pourquoi il a été fasciné par la performance de la franchise de Dublin.

Dépannage à domicile, tous travaux

Quelle fut votre première analyse après cette large défaite du Stade toulousain face au Leinster ?

Ça allait vite, trop vite pour le Stade. En fait, jusqu’à présent, on voyait des matchs de rugby se dérouler à une certaine vitesse, assez conventionnelle. Cette équipe a amené le jeu de rugby à un autre niveau. Franchement, j’ai été impressionné, d’autant plus que ces Irlandais avaient le Stade toulousain en face, pas une équipe réputée pour sa lenteur. Alors, on peut dire que les Toulousains étaient un peu émoussés, d’accord. C’est toujours pareil, il y a toujours un rapport d’opposition quand une équipe est un peu fatiguée, son adversaire apparaît d’autant plus rapide. Mais le contraire aussi est vrai.

On vous suit…

En fait, je n’ai jamais senti que les Toulousains pouvaient gagner ce match ou du moins reprendre le dessus. Oui, ce fut sans doute un signe que l’équipe n’avait plus trop de gaz. Ceci dit, quand le banc est entré, on a vu quelques belles choses, de la part de Selevasio Tolofua par exemple. Individuellement, il y avait du répondant mais collectivement, Toulouse a été dépassé par cette équipe.

Vous qui jouiez deuxième ligne, comment analysez-vous la performance des joueurs du cinq de devant irlandais ? Ont-ils été au diapason de la vitesse collective de l’équipe ?

Bien sûr, quand je parle de la domination collective, je pense surtout à eux. Le deuxième ligne James Ryan a été monstrueux à titre individuel… Et je me souviens du pilier droit Tadhg Furlong qui, en pleine course, allonge une passe de vingt mètres. Je me dis que dans ces conditions climatiques-là et dans le contexte d’un match qui s’emballe un peu, ces Irlandais sont inaltérables.

Vraiment ?

Pour les perturber, il faudrait peut-être d’autres conditions de jeu qui rendent le ballon moins facilement maîtrisable. Avec de la pluie, ou un vent fort, cette équipe serait prenable car elle ne pourrait pas développer ses mouvements et c’est vrai, on n’a pas senti les Leinstermen très sereins en mêlée, notamment en première période.

Revenons sur James Ryan, ce deuxième ligne international que vous avez cité spontanément. En quoi vous a-t-il impressionné ?

Par son activité. J’ai une image, juste avant sa sortie (76e), Thomas Ramos tente une contre-attaque et du fond du terrain et je le vois, lui, Ryan sur la première ligne de défense. Nous étions donc après la 70e minute, croyez-moi pour un deuxième ligne c’est très fort. Mais d’une façon générale, il participe beaucoup au jeu, comme les autres avants d’ailleurs. Ils s’organisent par petites cellules, toujours les mêmes ; mais qui sont exécutées à la perfection.

En quoi consistent-elles ?

Le porteur de la balle a trois choix, servir un coéquipier à ses côtés, servir un gars en retrait, généralement un trois-quarts, ou garder la balle. Ils sont organisés et en plus, ils font très peu de mauvais choix. L’option choisie est souvent la bonne. Et puis, il y a aussi peu d’interventions intempestives, un gars qui viendrait perturber un schéma, un gars servi alors qu’il ne s’y attend pas. C’est le signe qu’ils maîtrisent très bien leurs placements. Tout ça leur permet d’être familiers avec n’importe quelle situation offensive. Ils entrent sur le terrain avec un sentiment de sécurité. En fait, les deux équipes jouaient un peu avec les mêmes principes, mais les Toulousains étaient moins frais et les Irlandais maîtrisaient un peu mieux leurs déplacements.

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On a l’impression que la domination en mêlée reste spectaculaire pour le grand public mais qu’au final, elle a peu d’impact sur le verdict final.

Ce fut sans doute leur seul point faible. J’ai compté le nombre de mêlées. Trois en première mi-temps et six en seconde. Ce n’est pas énorme, les Leinstermen sont donc restés largement bénéficiaires dans la balance au vu de leur supériorité dans tous les autres secteurs. Même en touche, le Leinster a su piquer au moins trois ballons. Dans des matchs comme celui de samedi, la mêlée est quasiment anecdotique.

Dans ce contexte, la charnière aurait-elle pu faire d’autres choix ?

Non. On pourra dire ce qu’on voudra, mais j’ai toujours pensé que la vitesse, c’était l’arme absolue dans tous les sports et donc dans le rugby. Quand une équipe va plus vite, dans la réalisation des gestes techniques, dans les courses, dans les placements, dans la remise sur les appuis, dans les lancers en touche aussi, les choix tactiques et les questions stratégiques ne pèsent plus grand-chose. Et les gars du Leinster ont fait tout plus vite que les Toulousains.

Vous parlez du fait d’effectuer très vite les touches. On n’y pense rarement, est-ce aussi un atout important ?

Oui, quand l’adversaire se met rapidement en place et lance tout de suite, le contre n’a pas vraiment le temps de s’organiser. Et j’ai trouvé que les Irlandais ont aussi excellé dans ce domaine.

On dit de plus en plus que c’est l’avantage de ces franchises qui jouent dans des ligues fermées. Sans descente, on peut préparer ses meilleurs joueurs pour des moments choisis…

Oui, je le pense. Mais avant la rencontre, je trouvais que les Toulousains étaient aussi très bien préparés car ils avaient été performants en fin de match, contre l’Ulster ou contre le Munster par exemple, avec notamment l’apport du banc. Mais face au Leinster, ces mêmes Toulousains ont semblé émoussés.

Mais peut-on résumer la supériorité du Leinster à la seule question de la vitesse ?

J’ajouterais qu’ils font peu de fautes, Ils ne font pas de fautes de règlement, pas de fautes techniques. Mais regardez le dernier Tournoi, le France-irlande s’est disputé avec l’ossature des deux équipes de samedi. Et si l’Irlande avait gagné au Stade de France, il n’y aurait pas eu de scandale, tant s’en faut. Je trouve que les Irlandais ont finalement des joueurs qui sont aussi talentueux que les nôtres.

Vous avez cité James Ryan, avez-vous été impressionné par un autre joueur ?

Je ne parle pas de la troisième ligne, si tranchante et si juste. Mais si je devais n’en citer qu’un, ce serait Robbie Henshaw. Il a fait un match extraordinaire. En pénétration, dans le jeu de ligne et dans ses choix. À la base, c’est un gros gabarit, mais ce n’est pas que ça…

On vous sent vraiment impressionné…

Il y a les équipes qui jouent au rugby à l’allure traditionnelle et il y a le Leinster qui a amené le rugby dans une autre dimension, en termes de rapidité de gestes techniques et de réalisation des actions. Dans cette équipe, le ballon n’est pas encore passé au sol qu’il est déjà reparti. Ils ne tentent finalement pas trop de passes au contact mais la contrepartie, c’est qu’ils ont une telle vitesse de libération au sol qu’elle leur apporte autant de bénéfices que les passes après contacts, plus risquées.

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James Ryan par exemple, si vous comparez vos performances à celles que vous faisiez ; qu’est-ce que cela vous inspire ?

C’est incomparable. Je ne m’amuse pas à ce genre de comparaison, ce n’est jamais bon pour l’ego. Oui, Ryan fait par exemple plus de plaquages que j’en faisais, même si j’étais considéré comme un bon plaqueur car j’aimais ça. Mais c’est un niveau encore au-dessus, mais c’est logique, il s’entraîne mieux, il s’est entraîné à fond plus tôt. Il est aussi plus rapide, plus endurant.

Dans ce style, inspiré des idées de Joe Schmidt, le demi de mêlée doit être extrêmement vif. Jamison Gibson-Park par exemple est un animateur qui tente peu l’exploit personnel…

Il n’en a pas besoin. Son truc à lui c’est de coller au ballon et de transmettre tout de suite pour multiplier les temps de jeu en sachant que ça va finir par s’ouvrir et samedi, ça s’est ouvert. Franchement, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu le Stade toulousain se faire percer comme ça.

Après tout ce que vous venez de dire, la deuxième demie entre La Rochelle et le Racing n’a pas dû vous faire le même effet que la première, non ?

Oui, c’était très différent. L’équipe qui a gagné est celle qui a fait le moins de fautes. Entre les fautes de règlement et les fautes techniques, j’ai eu l’impression qu’il ne s’est rien passé, qu’il n’y a pas eu de mise en jeu. J’ai trouvé ce match très pauvre. j’aurais du mal à parler d’un style ou d’une identité car à partir du moment où on ne peut pas garder le ballon plus de cinq temps de jeu, il ne peut vraiment y avoir de mise en place stratégique, même si je pense qu’il y en avait une de chaque côté. La fébrilité technique des équipes était trop manifeste. C’est très étonnant car les deux équipes ont produit des matchs très intéressants.

Voyez-vous une explication ?

Il y avait sans doute un peu de vent qui a pu perturber les transmissions. Mais de là à ce que ce soit si pauvre. Je repense à toutes ces fautes de règlement, ce n’était pas digne d’une demie européenne.

Vous, ancien avant de devoir, on imagine que vous sursautez quand Finn Russell tente des trucs très risqués…

Non, ce n’est pas celui qui m’a paru le plus en difficulté. En plus, par rapport à ce qu’il peut faire, je l’ai trouvé assez sobre. Mais il y a toujours eu des joueurs comme ça. À partir du moment où on le met sur le terrain, on sait ce qui peut se passer. Ce n’est pas vraiment à lui que je pensais… Mais la fin du match, c’était n’importe quoi. Les choses étaient pourtant claires, La Rochelle avait deux points d’avance, et il y avait des moments de folie. Je n’en reviens pas de cette ambiance bizarre. Peut-être aussi que les premières chaleurs ont joué un rôle, les joueurs ont peut-être été surpris et fatigués. Peut-être que cette chaleur leur est montée à la tête.

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Mais La Rochelle a des atouts avec son pack surpuissant…

Oui, ils sont surpuissants. Mais ils le sont un peu moins quand Skelton n’est pas là. Mais leur pack reste très fort, mais d’habitude, il reste maître de ce qu’il fait. Là, je les ai trouvés collectivement en difficulté, sur les mauls, sur les phases statiques. En fait, je pense que les deux équipes se sont rentrées dedans, elles ont voulu jouer dans un registre très “ championnat Top 14 ” pour se défier physiquement d’abord, puis elles ont oublié de jouer l’évitement.

On suppose que votre pronostic pour la finale est clair…

Oui, aïe, aïe. J’espère que La Rochelle va se présenter sous d’autres auspices car, sur le niveau des deux demi-finales, on ne voit pas comment le Leinster peut ne pas être considéré comme grandissime favori. En fait, les deux équipes ne semblaient pas évoluer dans la même catégorie, tout simplement. je précise, sur les quatre-vingts minutes vues ce week-end.

Quid de la fin de saison des Toulousains. Vont-ils jouer plus concentrés sur le Top 14, libérés d’un poids ?

Ce n’est pas une question de libéralisation d’un poids, mais de gestion de physique. La motivation, ils ne l’ont pas perdue. Julien Marchand l’a dit tout de suite après le match. Mais à mon avis, tout découle de cette période du Tournoi où Toulouse s’est retrouvé à la huitième place et a dû cravacher pour se qualifier. Le Stade ne pouvait pas gérer son effectif en vue des phases finales, l’énergie qu’il a laissé dans ces phases de qualification, elle a manqué samedi et elle manquera peut-être pour les matchs de Top 14 à venir.

Des clubs comme Bordeaux, Castres, Montpellier sortent-ils paradoxalement gagnants de cet épisode européen ?

Oui, je pense, sur la fraîcheur. En plus le Racing avec qui ils sont en concurrence, a dû laisser dans cette demie une partie de sa confiance. Ces matchs-là peuvent laisser des traces. On se prépare pour des événements importants et on les loupe… Donc, je ne suis pas sûr que cette campagne européenne de H Cup a été très favorable pour nos clubs même si La Rochelle aura le sentiment d’être allée au bout de la compétition.

Mais ce modèle des franchises fédérales n’est-il finalement pas l’idéal pour pratiquer un rugby de haut niveau ?

Attention, les autres provinces irlandaises n’étaient pas en demi-finales que je sache. Je n’oublie pas qu’il y avait trois équipes françaises sur quatre qualifiées, plus les deux finalistes du Challenge européen. Notre rugby tire donc largement son épingle du jeu, notre modèle n’est pas si nul, même si le Leinster finit champion. Pensez aux Anglais, ils seraient contents d’avoir trois équipes dans le dernier carré. On ne peut pas tout juger à travers le prisme de l’équipe qui est couronnée.

Donc je pense qu’il y a le Leinster… et le reste. Les Toulousains aussi peuvent enchaîner très vite les actions mais hier, ils étaient largués. Mais toutes les autres équipes du monde j’ai envie de dire, me semblent un ton en dessous de ce que propose le Leinster en ce moment.

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