Entretien exclusif – Guy Novès : « On est très différents, avec Ugo Mola »

Guy Novès (ancien sélectionneur du XV de France) a tout gagné à la tête du Stade toulousain. Retiré des terrains depuis janvier 2018, il décrypte pour nous les quarts de finale de la Champions Cup, évoque ses plus grands souvenirs européens, analyse le jeu du Stade toulousain et assure, enfin, ne pas ressembler autant à Ugo Mola que les gens veulent bien le croire. Voici pourquoi…

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En quoi cette compétition européenne est-elle spéciale, à vos yeux ?

Il y a une forme de liberté, en Coupe d’Europe ; un vrai désir de jouer, que partagent acteurs et arbitres de la compétition. Elle a toujours été l’étage intermédiaire entre le championnat et le rugby international.

En tant qu’entraîneur, vous avez remporté quatre Coupes d’Europe (1996, 2003, 2005 et 2010) avec le Stade toulousain. Parmi ces matchs-là, lequel revêt néanmoins pour vous une saveur particulière ?

Le premier trophée de l’histoire de la compétition, en 1996, fut pour moi vraiment spécial. Les Anglais avaient cette année-là boycotté la Coupe d’Europe mais bizarrement, je garde un souvenir bouleversant de cette finale gagnée après prolongations à l’Arms Park, contre Cardiff (21-18). En tribunes, il y avait 6 000 ou 7 000 personnes et ça nous semblait pourtant énorme, à l’époque.

Au fil de ces années-là, vous avez également connu de nombreux duels avec le Stade français, votre ennemi intime. Comment viviez-vous cette rivalité ?

Les médias aimaient à entretenir cette histoire. Mais la rivalité, elle était surtout entre Max Guazzini et René Bouscatel (les deux présidents). Personnellement, le Stade français ne me motivait pas plus que les autres équipes.

Vous étiez alors un entraîneur expérimenté et à Paris, Fabien Galthié débutait quant à lui sa carrière de coach. Quels rapports entreteniez-vous avec lui ?

Je n’avais pas de rapport avec lui. Il bossait pour faire tourner son équipe et je faisais la même chose de mon côté. Mais j’ai toujours eu du respect pour lui. Et plus j’avais de respect, plus j’avais envie de le battre…

Puisqu’il est question du Stade français : vous rappelez-vous de la finale de Coupe d’Europe en 2005 ?

Oui, puisqu’à Murrayfield, j’avais fini le match entouré par dix-sept policiers…

Que s’était-il passé, ce jour-là ?

À la fin du match, j’ai traversé la piste d’athlétisme pour embrasser ma famille en tribunes quand j’ai aperçu, un peu plus loin dans les travées, Michel Lamolinairie, un dirigeant du club et surtout, un ami proche. J’ai tenté de le faire venir sur la pelouse parce qu’il avait passé toute la saison à nos côtés : il était là à tous les entraînements, faisait tous les déplacements… Les stadiers n’ont pas compris, il y a eu une échauffourée et franchement, je ne sais plus ce que les stadiers sont devenus… Toujours est-il que très vite, je me suis retrouvé entouré par dix-sept policiers. Ils m’ont placé en geôle dans les entrailles du stade. Je me sentais comme un hooligan.

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Comment cela s’est-il terminé ?

Le maire de Toulouse (Jean-Luc Moudenc) et quelques autres personnalités sont venus me récupérer. Mais je n’ai pas vu les joueurs soulever la coupe… Alors, dans ma geôle, je me suis juré de revenir en finale et de la gagner à nouveau. C’est ce qu’il s’est produit, cinq ans plus tard.

Les liens tissés avec les hommes que vous avez entraînés sont-ils éternels ?

Je l’espère, en tout cas. J’ai récemment entendu Yoann Huget ou Cédric Heymans parler de moi gentiment et ça me touche. Je garde aussi beaucoup de contacts avec Patrice Collazo, Xavier Garbajosa que j’adore, Trevor Brennan qui a dessiné mon portrait sur l’un des murs de son restaurant, Patricio Albacete, Christian Labit et tant d’autres… C’est drôle.

Pourquoi ?

Chaque fois que j’entends l’un de mes anciens joueurs dire des mots gentils à mon égard, je me dis toujours : “Merde… Je ne leur ai pourtant fait aucun cadeau…”

Ce week-end, le Stade toulousain se rendra à Dublin pour y affronter le Munster, en quarts de finale. Comment voyez-vous ce match ?

Le Stade a démontré ces deux dernières années qu’il pouvait battre n’importe qui, n’importe quand et n’importe où. Défensivement, cette équipe est impressionnante : cette volonté, cette technique, cet engouement et cette qualité de récupération des ballons dans les rucks écœurent tous leurs adversaires. Toulouse, dont l’effectif est d’ailleurs en tout point incroyable, est évidemment capable de relever le défi qui se présente à lui, en Irlande.

Pierre-Louis Barassi, Melvyn Jaminet et Ange Capuozzo, trois joueurs en vue du rugby français, rejoindront Toulouse à l’intersaison. Le Stade toulousain a-t-il retrouvé une attractivité ?

Quand on réussit, quand on gagne des titres, on attire dans ses filets des joueurs qui ont envie de donner une autre dimension à leur carrière. Ils ont envie de prendre du plaisir dans ce rugby de mouvement, ce jeu debout, cette volonté de faire des passes. Parce qu’à Toulouse, la philosophie est restée la même au fil des années : à mon époque, je disais même que le risque était dans le fait de ne pas se faire assez de passes…

On dit parfois qu’Ugo Mola fait du Novès, dans le sens où il se sert du “seuls contre tous” comme d’un levier psychologique récurrent. Qu’en pensez-vous ?

Cédric Heymans, sur le plateau du Canal Rugby Club, disait dimanche soir qu’il ne fallait pas comparer Ugo Mola et Guy Novès. […] Ugo, qui est un garçon intelligent, m’a eu comme coach pendant quelques années et comme je me suis inspiré de la façon de faire de Claude Labatut ou Robert Bru (deux anciens entraîneurs du Stade toulousain), lui a probablement retenu quelques-uns de mes trucs. Mais nous sommes vraiment différents, tous les deux.

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Sur quoi, par exemple ?

Quand on me prenait dix joueurs pour les faire jouer avec l’équipe de France, je râlais dès le départ. Aujourd’hui, on trouve que c’est très bien, que c’est super et alors, Toulouse se retrouve par moments en difficultés en championnat. Je pense aussi que je n’avais pas, à mon époque, un effectif aussi dense que le sien.

Regrettez-vous d’être monté au front face à la fédération et aux sélectionneurs du XV de France, au temps où vous entraîniez Toulouse ?

Que voulez-vous que je regrette ? Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose… avec mes erreurs, puisque j’ai dû forcément en commettre. Mais je suis toujours resté fidèle à ma personnalité.

C’est-à-dire ?

Je ne fais pas n’importe quoi pour plaire à n’importe qui. Je ne fais pas de commerce. Et puis…

Quoi ?

Je ne suis pas monté au front contre les sélectionneurs, comme vous le dîtes. J’ai juste défendu l’intérêt majeur de notre club. (il soupire) En laissant les joueurs partir en équipe de France, j’avais aussi parfois l’impression que les autres profitaient de notre travail. Et ça m’agaçait un peu, oui…

Quand Ugo Mola dit que nombreux sont les rugbyphiles du pays souhaitant voir Toulouse passer à la trappe en championnat, partagez-vous son sentiment ?

Oui. Des Boucliers de Brennus, j’en ai gagné dix. Et des Coupes d’Europe, quatre. Ça a énervé et motivé les adversaires, c’est certain. Quand vous dominez la compétition, cela devient presque jouissif pour les autres de battre une équipe imbattable.

Pensez-vous qu’en tournant le film “Stade”, les Toulousains se sont collé une cible dans le dos pour le reste de la saison ?

Je ne l’ai pas vu. Mais il me semble que l’on a dans ce film-là, présentait le doubler du Stade toulousain comme historique. Or, en 1996, nous l’avions déjà fait. J’ai trouvé cet oubli un peu bizarre… Vous savez, le rugby a évolué depuis mon époque et je respecte les choix des uns et des autres ; mais moi, j’ai toujours eu du mal à voir des caméras dans l’intimité du groupe.

Ah oui ?

Quand Canal + nous mettait des caméras dans les vestiaires, je mettais des serviettes dessus. Lorsque les preneurs de son s’approchaient du cercle que l’on formait au centre du terrain, je me mettais à genoux pour ne pas qu’ils m’entendent. C’était presque devenu un jeu, entre Eric Bayle (la voix du rugby sur Canal +) et moi. (il marque une pause) Personnellement, j’aurais eu du mal à m’exposer ainsi. On est complètement différent, avec Ugo (Mola).

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D’autres équipes françaises joueront ce week-end un quart de finale européen. Le Racing, lui, affrontera Sale. Quelle impression vous fait cette équipe francilienne, depuis le début de saison ?

Un coup, cette équipe est incroyable et pratique le rugby que j’aime ; un rugby de mouvement, de prises d’initiatives… Le coup suivant, elle est très médiocre sans que l’on puisse vraiment l’expliquer. Le Racing, j’ai toujours envie de le regarder et parfois, au bout d’un quart d’heure, je me demande si je ne vais pas plutôt faire autre chose. C’est bizarre, oui… Il faut tomber le bon jour, avec le Racing… Mais attention : pendant les phases finales, il faut être régulier durant de longues semaines. Aucun trou d’air n’est permis.

L’autre quart de finale qui retient notre attention est franco-français et opposera La Rochelle à Montpellier. Avez-vous un pronostic ?

Mon favori, c’est La Rochelle. Sans problème. L’autre soir, à Toulouse, j’ai trouvé cette équipe intéressante malgré l’absence du rude Australien, Will Skelton. Il m’a aussi semblé que l’ouvreur Ihaia West avait plus de sérénité qu’auparavant. Il a clairement passé la vitesse supérieure, ces dernières semaines.

Parlez-nous un peu de vous. Quelle est votre vie, désormais ?

J’ai une vie normale. Je fais quelques interventions en entreprise lorsque je suis sollicité. Je m’occupe aussi de mes cinq petits-enfants. L’une de mes filles est avocate (Julie), l’autre (Valérie) est médecin et mon fils (Vincent) est maire de Balma (une ville située près de Toulouse). Ils travaillent beaucoup et me demandent de les aider de temps en temps. Avec ma femme, on est toujours présent. On adore ça.

Entraînerez-vous à nouveau ?

Non, je n’entraînerai plus. Ces derniers mois, j’ai pourtant refusé des propositions vraiment sympas : le Stade français m’avait contacté, par l’intermédiaire d’Hubert Patricot (l’ancien président), juste avant qu’ils n’engagent Heyneke Meyer et au moment où j’étais en plein procès (avec la FFR). Avant de recruter Jono Gibbes, le président de Clermont m’avait également fait une proposition. L’équipe d’Italie, aussi. Mais je n’avais pas envie d’aller à Rome car je suis bien à Pibrac (Haute-Garonne). Et à l’époque où le sélectionneur géorgien a attrapé une forme grave du Covid, j’ai même été approché par les dirigeants du Caucase.

Pourquoi avez-vous refusé ?

Je ne sais pas… Vous savez, j’ai vraiment souffert ces dernières années. J’ai pris un coup derrière la tête (après avoir été licencié par la FFR). Même si j’ai gagné mon procès, je ne sais pas si j’aurais pu repartir, après ça…

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